MAIN-MISE
Chaque nuit, le même rêve. Une cité lointaine, un dédale de rues, pavées de nuées et bordées de murailles lépreuses, passages obscurs, décrochements sans issue, fenêtres barrées de grilles et portes closes. Et moi, pâle vapeur écorchée aux salpêtres, fantôme exsangue qui vous cherche encore, errant jusqu'à la nausée dans la grisaille muette de ce triste labyrinthe.
Tissé
de vaine attente, mon rêve est opiniâtre. Il me traîne contre mon
gré jusqu'à l'évidence de
votre vilenie. En me quittant, vous avez dérobé le secret de mon souffle et la puissance de mon nerf. Chaque nuit vers mon ombre vous tendez une main à la douceur avide. Rognures d'ongles, brins de cheveux, lambeaux de linge imprégnés cousus ensemble dans un fantoche, on sait comment se noue un sort au ventre d'une poupée de terre.
Prenez
garde au retour de vos charmes. Déjà s'ébat la blanche colombe de
votre ventre. Vous
m'avez envoûté et vous tombez sous l'emprise de vos songes fiévreux. Petite fille vicieuse, vos jeux solitaires rendent à mon simulacre sa joie première. Demain, j'en tisserai un chant d'où surgira l'image de votre nudité déclose. Je vous ferai pleurer de bonheur sur les braises de votre cœur déployé. Jacques Abeille, extrait de la Nouvelle Revue Moderne, août 2006. | |
un choix de documents récents du mouvement surréaliste et de ses alentours (1990-2015), par David Nadeau
mardi 30 juillet 2013
Jacques Abeille
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