mercredi 31 juillet 2013

Marie-Dominique Massoni

LE SURRÉALISME ET LE FÉMININ


Si notre approche traite plus évidemment de la femme que de l'homme, c'est qu'il est plus facile, et peut-être hélas plus piégeant de dire le féminin à partir de la femme. Nous nous heurtons à une autre difficulté de la langue : aucun des articles possibles ne nous satisfait. La femme n'existe pas, Elle" est multiple ; Les femmes ne nous vont guère, "elle" est unique, l'indéfini Des permet à peu près de dire n'importe quoi au nom d'une prétendue pensée ou d'un "mouvement de libération des femmes", confisquant la révolte pour le bénéfice d'un petit commerce. L'indéterminé d'une n'est pas celui de "l'une"qui nous irait sans doute le moins mal, parce que nous y entendons d'autres possibles. Et de l'une dont nous parlerons, nous vous demanderons le plus souvent d'entendre aussi la part féminine de l'homme, comme de la lune le plus souvent du genre féminin, mais qui peut-être du masculin, et qui dans les mythologies est tantôt principe féminin, tantôt masculin. Pendant longtemps, quand il s'est agi de femmes, ou du féminin, le discours a été celui du mâle, et de la dérision au culte, marqué par le négatif, "il n'y a pire eau que l'eau qui dort" ; force nous est de constater que le "ventre" est un continent noir, inquiétant.
La materia prima, Isis ou Lilith, les fées mises à mal par l'Inquisition, les sorcières et les lycanthropes, ont cédé le terrain aux topologies des théoriciens de l'inconscient, lesquels ont constaté leur quasi incapacité à saisir l'insaisissable langagier des femmes. Si le premier objet d'amour est la mère, le d'où je viens est porteur d'une angoisse terrible, le sein "objet partiel" est le premier repère extérieur, mais c'est de ce corps qu'on vient. Premier lieu du désir, premier lieu de la formation symbolique, le sein à croquer, ô délices du cannibalisme, (comme les autres lieux du désir en morceaux) sera remplacé par le phallus unificateur . Si le désir de la mère est le phallus, l'enfant va s'identifier à celui-ci. Mais ce que désire la mère c'est l'autre, le père, l'homme, celui qui dans nos sociétés dit la loi, notamment l'interdit de l'inceste. Découvrir le réel, c'est découvrir la jouissance de l'autre comme arrêt de ma toute puissance. C'est l'homme qui apporte la reconnaissance. Que faire, qu'être, pour être à son tour choisie ? Et quand je suis choisie, quand j'aime, j'en appelle à la jouissance, aux jouissances sans cesse multipliées, l'autre le même, l'immatérielle coque bleue qui nous enveloppe comme tiers inclus de l'acte d'amour.
La difficulté à saisir la féminité tant chez les analystes hommes que femmes ne vient- elle pas du fait que le féminin échappe aux données de l'appréhension par le discours tel qu'il est aujourd'hui structuré ? Impossible d'approcher par le concept ce qui n'est pas conceptuel, puisque c'est à la fois, le plein et le vide, l'immobilité et le mouvement . Intérieur de l'extérieur et extérieur de l'intérieur, le féminin est captation et rejet, sécurité et expulsion ; versipèle, "loupiforme" il est comme le lycanthrope tantôt peau d'homme, tantôt peau d'animal ; comme Peau d'âne terrifiée par l'entreprise de séduction paternelle, il file et se défile, il est donc "faux", à l'image de la faux qui égalise. Mort et moisson ont le même outil. Quand le cordon est tranché, l'enfant s'individualise, et le féminin porte à faux. Et l'on en arrive à dire que la femme n'est que si elle est mère, qu'elle ne saurait être une amoureuse, que l'amour est une fumisterie qu'il ne reste que désir et social qui fassent sens. Mais le moment privilégié des loups garous, hors les pleines lunes, était ces quelques nuits entre la fin de l'année lunaire de 354 jours et celle de l'année solaire.
La femme permet l'entrée en chair, l'entrée en connaissance, à partir du rien vers le rien. Est-ce pour cela qu'elle aurait historiquement une "incapacité" à créer ? Elle devrait suggérer ou reproduire. Ce que Lilith refusa. La première Eve du jardin des délices, évacuée du récit biblique, réapparaît dans les contes, revendiquant le désir, le plaisir ; souffle des rêves nocturnes elle aussi croqueuse d'hommes, elle croque ses propres enfants. Lilith, la matière vile, noire, les seins de l'enfer dit-on en Afrique du Nord, ce sont les souffles , la femme version fatale, surgie du néant du rêve pour retourner au néant. Ce rien que les philosophes ou la vulgate nous proposent comme synonyme du néant est en fait une essentielle dimension de l'être . En l'intuition qui permet de pressentir les autres lieux de l'homme, l'espace cesse d'avoir trois dimensions. Les recherches en physique sont de celles qui nous permettent d'appréhender autrement le rien , cette "chose" qu'il a fallu occulter en ne la concevant que dans le négatif "ce n'est rien".
Que peut-on répondre ? Rien, sinon tout le non dit ,cette "chose" incluse dans la réponse même, mais que l'on fait taire. Ce n'est pas rien ; et si la femme est un rien belle, comme on le dit dans certaines campagnes c'est qu'elle est superbe, la garce ! Qu'est ce qui a donc été enseveli des deux principes primordiaux, en quoi la censure a-elle été nécessaire à la construction de nos civilisations, que cherchons-nous, nous qui ne nous contentons pas du monde tel qu'en ses lois de nécessité ? L'androgyne est au coeur de bien des mythes fondateurs, et voilà que les biochimistes nous apprennent que l'embryon humain est d'abord bisexuel. Nous en voilà ravis, mais que faire de notre mémoire archaïque ? Comment libérer nos possibles ? Si l'on pense que le petit d'homme vit son désir en découvrant où se porte le désir de sa mère, le phallus n'est-il pas d'abord désir de la femme ? et sans doute ne pouvons-nous penser le masculin qu'à partir du féminin, a contrario des théologues, décalogues et autres freudologues ;. A dire vrai on sait bien que la Vérité qui exige une "fixation" par le concept ne peut relever du féminin, non que la femme mente mais elle sait qu'elle n'est qu'un moment du faux, ou plutôt que l'espace creux proposé par l'arrondi des cils quand le regard porte son dard. C'est ainsi que la femme pressent ce qui se tapit dans les discours les plus structurés, elle a tôt fait de démasquer l' "érection" en tous ses masques du service divin au divin pouvoir. Elle a toujours plus facilement érotisé en paix, comme on herborise, ne craignant pas d'être trahie par une partie d'elle-même, et pourtant érectile de tous les frissons de sa peau, au creux d'une attente de la seule vérité qu'il lui soit possible de recevoir, celle du phallus en elle oeuvrant, non du symbolique, mais de celui de l'homme qui lui fait l'amour et auquel dans le même temps elle peut aussi faire l'amour, le féminin et le masculin s'interceptant, se relançant, démultiplication du même en tous lieux du corps, en l'espace enveloppant l'amande du couple, l'amant(e) et l'amant(e).
La femme détiendrait le secret des origines et c'est peut-être pour cela et non pour se reproduire qu'aussi, l'homme lui fait l'amour, mais veut-il savoir cela s'il ne prétend qu'à "fermer" par la raison, quand elle s'ouvre au cosmos ? Alors que pourrait-elle lui dire puisqu'il faudrait recourir à un langage qui ne s'ébauche que volatilisé ? Le secret du pont, du passage, si elle le demande à celui qui vers elle a cheminé, ou qu'elle attendait, c'est parce qu'elle sait qu'il ne peut savoir que par elle, s'il sait la recevoir. Levant ses jalousies, elle permet la restitution d'une parole en chacun enfouie, grâce à un phallus où elle se reconstitue, elle, hors imprécations, hors malédictions. De cette inquiétante figure de la maternité où l'on a trop souvent enfermé la femme, et à travers elle le féminin, retenons le lieu, le point où se coupent la ligne de vie et celle de mort, faisant boucle, est-ce pour cela qu'il faudrait la boucler sur l'angoisse majeure de cette spirale mortifère en nous ? Le féminin est la grande faucheuse parce qu'il est inscrit dans la peur de l'être de ne plus pouvoir s'élever du fond du cône, pris dans un magma dont le mouvement ne lui laisse qu'un faible espoir de surgissement. L'enfantement est une autre guerre et c'est bien la femme qui commence de couper le fil, d'opérer la séparation. Ce n'est qu'à partir de cet instant qu'existent les liens du sang.
Parler du féminin dans un colloque sur le surréalisme et le temps me fait sourire, le temps est masculin, c'est la durée qui est féminine, la frontière est un ordre masculin quand l'espace du dedans comme du dehors est féminin. Territoire et terre, âme et vague à l'âme, vague alarme, au plus profond de nous les sons coulés, les sons épaves émettent encore . Triangle pointe en bas, langue qui s'avance, s'étale, et se superpose à elle-même, devenant spirale il donne dans le temps même où il reçoit, ou alors il se refuse, s'échappe quand on croyait le tenir, comme l'ombre. De l'alchimie aux contes de fées et retour, d'Isis à Joyce Mansour et retour au limon du Nil, il s'agit bien pour nous surréalistes de chercher à libérer les puissances que la société récuse parce qu'elles ne sont pas utiles, mais il ne saurait être question d'en appeler à inverser les dominations . Ces forces en nous qui s'affrontent, nous les trouvons magnifiées dans l'érotique amoureuse. Nous ne cessons d'en découdre ; et l'alchimie ne nous proposerait-elle qu' un superbe livre muet, serait déjà "en avant". N'en déplaise à Aragon , la femme n'est pas l'avenir de l'homme.
Nous intéresse la part du féminin en chacun, et nous ne la sentons pas comme une part maudite. Il s'agit d'aider aux surgissements de ce qui en nous a du mal à se faire phrases, d'en enrichir notre part masculine, et à l'inverse ; il ne s'agit pas non plus d'aller vers ce qui nous est aujourd'hui proposé de nivellement des différences sexuelles sous le prétexte d'une libération de la femme, laquelle est maintenant autorisée à être exploitée au même titre que l'homme. Il est évident que cette poésie "faite par tous non par un" ne se peut concevoir que dans une lutte contre ce qui nous aliène : le salariat, le pouvoir auquel nous devrions déléguer tous nos pouvoirs et nos rêves, pour nous retrouver misérabilisés devant le trio qui n'a rien d'infernal, mais qui est celui du paradis des réactionnaires à l'affût de toutes les baisses de vigilance : travail, famille, patrie. Il se peut fort que dans les temps à venir, nous devions encore nous battre contre le retour en force des valeurs de l'extrême droite, mais nous ne saurions mélanger notre exigence quant à l'exaltation des principes masculin et féminin, quant à la poésie force vive de l'insoumission et la nécessité de luttes ailleurs, sur des terrains où nous pouvons avec d'autres nous retrouver au coude à coude, voire au coude à poing. Le féminin, terre noire, au silence habitué, sait aussi les hurlements de la fureur. Lâchons la bonde chaque fois que nous pouvons, et laissons-nous emporter par les torrents d'amour, ne soyons pas les petits épargnants de notre vie.
Il n'y a pire eau que l'eau qui dort... A l'intérieur de nos phrases construites, les mots nous proposent de multiples échappées belles. Fée mine un, fée mit nain, fata, la faute et le destin, pour miner les faits, à l'image de la grenade, fruit à l'écorce dure éclatant à maturité libérant un rouge presque noir, dans la mine où commence la quête de l'or du temps, le féminin fait des mines.

Marie-Dominique Massoni,
samedi 14 décembre 1991. 

mardi 30 juillet 2013

Jacques Abeille



                                                          MAIN-MISE 

Chaque nuit, le même rêve. Une cité lointaine, un dédale de rues, pavées de nuées et bordée
de murailles lépreuses, passages obscurs, décrochements sans issue, fenêtres barrées de grilles 
et portes closes. Et moi, pâle vapeur écorchée aux salpêtres, fantôme exsangue qui vous cherche 
encore, errant jusqu'à la nausée dans la grisaille muette de ce triste labyrinthe.

Tissé de vaine attente, mon rêve est opiniâtre. Il me traîne contre mon gré jusqu'à l'évidence de 
votre vilenie. En me quittant, vous avez dérobé le secret de mon souffle et la puissance de mon 
nerf. Chaque nuit vers mon ombre vous tendez une main à la douceur avide. Rognures d'ongles, 
brins de cheveux, lambeaux de linge imprégnés cousus ensemble dans un fantoche, on sait 
comment se noue un sort au ventre d'une poupée de terre.

Prenez garde au retour de vos charmes. Déjà s'ébat la blanche colombe de votre ventre. Vous 
m'avez envoûté et vous tombez sous l'emprise de vos songes fiévreux. Petite fille vicieuse,
vos jeux solitaires rendent à mon simulacre sa joie première. Demain, j'en tisserai un chant
d'où surgira l'image de votre nudité déclose.

Je vous ferai pleurer de bonheur sur les braises de votre cœur déployé.
                           
                                    Jacques Abeille, extrait de la Nouvelle Revue Moderne, août 2006.



Josette Exandier


lundi 29 juillet 2013

Patrick Lepetit

RITUEL D'UNE FASCINATION (extrait)



... dure et douce raison de durer,
la passion première en appelle au féal, au mutisme
des années qu'il présumait perdues, de crainte
de se perdre. Se rafraîchir à la source, au jour,
si tout est accompli, le crime des crimes vengé,
une fois le travail repris dans le silence des neiges.
Pour l'heure, maquillé foudres et foutres,
gabier de dérisions, postulés pantomimes,
malmené rudes saisons de clarté, il se déracine,
pressent ténébrescence, l'ambition des abattoirs,
crocs de boucher au frénétique du massacre.
L'âme rassasiée d'horreurs et des mots mêmes du livre,
gavé béances amères, la langue sèche et gonflée,
il reconnait un fumet inexpiable, Desnos agonisant,
écarte l'ivraie, les grains de jais, les couleurs irradiées,
et de l'ocre de la pluie délave le corps trahis du monde.
Loup maigre, voleur d'éclaircies, son filon s'étiole,
les doigts de sang fouillent au plus profond,
les femmes marquent le deuil de leur crâne rasé,
l'hiver en sortilège empoise le pays. Révolté,
le rire fou, il n'y hante plus limbes ni brumes,
insurrection froide à la périphérie du malheur,
juste forclos ces brasiers de longue haleine
et ces camps vides...


                        
                                                                     Patrick Lepetit

samedi 27 juillet 2013

vendredi 26 juillet 2013

Christophe Dauphin

LIRE LE RÉEL ET L'ÉCLAIRER DE NOS RÊVES (extrait)

lire le réel et l’éclairer de nos rêves
parce qu’en face
le mensonge est une assiette en orbite
parce qu’en face
le vide invente sa danse
le monde a été coté en bourse
la poésie est devenue un objet langagier

la déchirure
loge dans le ventre de la nuit
la déchirure
s’opère dans la chair des mots

l’alphabet
est une feuille de verre dans les poings du hasard

l’émotion
est l’expression sensible
intime
authentique
et profonde de l’être
la rue du débarcadère de l’aube dans tes yeux fermés

ce n’est pas la crainte de la folie
qui nous forcera à laisser en berne le drapeau de
l’imagination (1)

l’émotion
n’appréhender le monde
la vie
que par le biais de ses émotions
de ses pulsions
de ses désirs
la liberté totale en poche
le nom de l’autre
comme le mot de passe
de ta main dans la mienne



Christophe Dauphin



(1) André Breton, Le Manifeste du surréalisme (1924)

mardi 23 juillet 2013

Virgile Novarina







- En somme, performance à l'Inlassable galerie, 24 janvier 2013, dans le cadre de l'exposition collective L'or aux treize îles.
- Écrits et dessins de nuit

dimanche 21 juillet 2013

Rikki Ducornet, Une clé pour Enkidu


Johannes Bergmark, le Cercueil à cordes





"My friend Petra Mandal had a dream about an instrument that I have now started to make, the stringed coffin: a box in body length contains the musician, and some strings are strung over the lid. Through a little hole, the musician sings and the voice directs the tones of the strings."


(extrait de "Call For The Hidden Sounds", de Johannes Bergmark. Publié en 1994 dans le deuxième numéro de The man in the street)

vendredi 19 juillet 2013

Paul Sanda

DANS LA PAUME ASCENDANTE DE L'ARGILE

elle
la surface femme de la peau conçoit sa vraie toison à l'ultime des eaux
de ce je t'aime ventre elle déroule la reptation des flaques
ou l'hibernation du désir jusqu'à rendre la beauté vermeil
non je n'ai plus d'envie mordre contre l'enracinement de ce nouvel espace où j'ai bien du mal à vouloir un seul mot
à la surface femme de la peau de la
terre
de ce je t'aime ventre à la face des trajectoires qui ne viennent pas

elle
mélangée à l'odeur des mélanges
mêlant l'enfance dont je ronge la chair perdue pourtant si nourricière
puis ponctuée rasée admise rosée au désordre apparent des tranchées rouges transparentes des artères elle
se greffe à cette dérive le long du spasme des jours sanglants qui font que
je ne sais plus comme je marche
comme je suis contre la grève d'être dans le transport au bout de ma seule langue
comme je blesse les vulves du cœur (quand le marais exulte) à la recherche des valves des cadavres des alvéoles d'une éclaircie ce cadavre que je veux si fort
je pense voici ce je t'aime ventre qui use le ventre autant qu'il apparaît dans la treille de l'obstacle
voici ce je t'aime ventre qui crie sur les inclinaisons des baraques dévolues à l'estran
sur les lèvres déviées des barques fourbies dans le fendillement de la lune
voici ce je t'aime ventre à pleurer dans le froid surpris des arènes et voici le ventre
je ne peux dire qu'il est surpris comme il apparaît tout à coup flottant en dévers des imprécations de mon sexe
contre le duvet de la rive d'homme

elle
la surface femme de la peau s'écarte pour manger la lumière
encore j'ai pensé que les êtres s'habillaient aussi de flammes en équilibre
j'ai pensé que les cachettes évidées en frise brumeuse des deux mains et pourtant d'une clarté presque limpide n'existaient que dans les histoires de nains et de géants
j'ai marché jusqu'au devant des arrachements de chairs de paupières de tout ce que la femme la fille et le corps dégagent vraiment en avant de la mort que des cratères d'argile
que des cartilages d'angle
elle
pourrissante en bout de corde comme un ongle une épingle dans la rainure glissante du bois
j'ai accroché ce je t'aime ventre dans la nacre des déchirures maternelles des plis usurpés des empreintes végétales de l'odeur de putréfaction
décroché excorié la demi-dévoration de son arc pulsé
de sperme
de la demi-dévoration de son enfer infini dans les méandres de l'athanor
du sperme quand il tangue à la commissure des replis des femmes des filles et des corps en plein travail de décomposition de fureur jusqu'à l'écarquillement
j'ai voulu l'extase de la demi-ingestion pour la première femme-poisson qui vivait là repue du foisonnement des écailles
j'ai voulu de cette mélusine couvertes d'algues gantées femme-poison aux creux des nages de proue de l'incandescence
de l'écume
ce je t'aime ventre au sexe du fil de sang du fil de glaire du fils et des filles cancer
du fil de liquide de la meurtrissure
j'ai parlé de la demi-ingestion d'une coquille humide les lents engourdissements de toutes les femelles colorées dans les globes de la boue

elle
la surface femme de la peau à la cuisse comme une table de veille
la voilà fragile
métisse hurlante hurlée ourlée
roulée dénudée d'épaules à son corps brillant comme l'espace compact de l'écartement des os de la femme primitive qui a tout lié
noire aussi est elle plus formidable dans la mort
noire aussi est elle plus formidable dans la mort choisie
j'ai voulu jusqu'au coffre secret ce je t'aime ventre du sein qui s'anime
j'ai voulu me gorger de l'aréole vraie portée vers l'infini
de tout ce qui fait saillir les images à la rondeur d'une circonstance foetale de ce sein pendu suspendu flasque jusqu'au firmament de l'argile

elle
la surface femme de la peau ouvre des brasiers au visage du néant
j'ai voulu ce je t'aime ventre à la trace déjectoire c'est à dire au visage du néant encore
parce que je range la veine tordue des hystéries de la sorcière
ponctuée rasée admise rosée définitivement morcelée
rouge comme je marche contre sa grève dans le transport au bout de chaque lagune quand le marais exhume son cadavre de bulles de bourdonnements ce cadavre que je veux si fort

elle
la surface femme de la peau conçoit sa splendeur au bord des îles des voltiges
de ce je t'aime ventre elle décide l'envol des sanglots et des passions
ou la nudité du désir décidée à se consteller de l'intérieur
non je n'ai plus d'envie de mourir contre la courbe de toutes les splendeurs à la surface femme de la peau de la fermeture de la paroi
mère
de ce je t'aime ventre à la face des trajectoires

qui ne viennent pas


Paul Sanda

jeudi 18 juillet 2013

Cassandra Stark Mele






A BUFFOON'S ATTEMPT
The sky is a buffoon's attempt to conceal chance. All is barefooted, one girl ponders the woods. Which way shall she roam? Who knows, Chi sa? Anyway, my left hand catches moths. Circles. The blue words fell from the sky and nestled upon my breast. I told them stories until they slept peacefully. Meanwhile, the barren wilderness became a sieve, I fell out. The bottom went dry, crackling. A small stone, a smooth relic is now imbedded inside my mind. I walked the weeded path calling out silly names like "Balaco." No wonder the birds are crying. No wonder stars hurt in whispers and the four winds taught us to dance. So many nights gathered into one embryo. He grows up to paint his shack red, the door blood red with a blue doorknob.
 Casandra Stark Mele, In Case of a Storm, 1995.

*

Extrait de Surrealist Subversion, un recueil de textes du groupe surréaliste de Chicago :

"And New Yorker Cassandra Stark Mele provides a striking account of her personal struggle against parental and social oppression in "Your World, Not Mine." This essay shows the tragic consequences of adult repression of yearnings for the Marvelous in children, as well as how this trauma can be overcome. A child's response to life reveals deep truths about imposed social behavior, which can't be ignored."


(La photographie est tirée du film X is Y, de Richard Kern, dans lequel joue la poétesse et cinéaste.)

mercredi 17 juillet 2013

Songs of the new erotics, Tiny gifts




Tiny gifts, performance du groupe Songs of the New Erotics, au Gladstone Hotel de Toronto, le 3 novembre 2001.

 http://www.recordism.com/SOTNE/Gifts.html 

mardi 16 juillet 2013

Myriam Bat-Yosef, Piano peint (1974)



« Observer M. Bat-Yosef évoluer dans son atelier parisien parmi ses œuvres, me montrer telle toile, tel objet, le tout ponctué par de brèves et précises explications dévoilent la richesse et la beauté d’une vie exclusivement vouée à la création. Au cœur de cette aventure artistique, résonne l’écho feutré d’une musique intérieure rythmant une quête incessante, tendue vers la recherche d’une vérité essentielle qui donne sens à sa vie. Ce n’est pas tant de l’œil de chair mais de l’œil de nuit cherchant les fils d’or de la réalisation totale de l’homme dont il s’agit. Pour M. Bat-Yosef l’art de vivre consiste à trouver l’équilibre entre les forces contraires. Cet art de vivre qui rejoint le point sublime, lieu de résolution des antinomies, Myriam l’a personnifié en sa totalité. Une cohérence remarquable et sensible tisse la trame de son cheminement artistique.

Je me trouvais face à l’œuvre de toute une vie ; une œuvre demeurée trop longtemps dans l’ombre bien que saluée par Anaïs Nin, Nancy Huston, André Pieyre de Mandiargues, José Pierre, René de Solier, Jacques Lacarrière, Alain Bosquet, Alain Jouffroy, Pierre Restany, Sarane Alexandirian et André Breton qui, après une visite à son atelier, confiera avoir été intrigué par sa dimension fantasmagorique.

Si l’obscurité est une composante de la lumière, il arrive un temps où la clarté intérieure doit épouser les courbes du jour afin de donner à voir. Et c’est précisément ce que M. Bat-Yosef fait, elle donne à voir, un monde issu de l’athanor de ses perceptions. Un univers de symboles, de couleurs, de formes ouvre le regard sur de nouveaux paysages mentaux où fusionnent érotisme et fantastique.

Comme le souligne René de Sollier : « On devra s’interroger, il est temps, sur le rôle des femmes dans le surréalisme et la peinture, le fantastique contemporain, et songer à une histoire vraie, qui groupe : Valentine Hugo, Léonore Fini, Dorothea Tanning, Léonora Carrington, Unica Zürn, Jane Graverol, Toyen, Bona, Manina, M. Bat-Yosef. (…) On est impressionné par ce non-conformisme et les dissidences, une fierté inventive, menée à bien. Un musée inquiétant en résulte, plus riche que l’imagination ». C’est à ce dessein que ce livre existe, quand bien même M. Bat-Yosef. ne prit jamais part aux activités du groupe surréaliste ; elle épousa du surréalisme sa dynamique, son insoumission et son utopie sans pour autant adhérer à tous ses principes.

Et il y eut cette injonction, ces paroles Sésame aptes à ouvrir les cœurs à hauteur des orages, qu’elle prononça : « Je veux surpasser le dieu de la Bible qui a fait l’homme à son image et métamorphoser l’homme à l’image de mon art ! » Ainsi, dans la lignée « des voleurs de feu », la flamme prométhéenne venait de tracer une voie, unique, celle de la « révélation ».

(texte de Fabrice Pascaud)

samedi 13 juillet 2013

Pierre Peuchmaurd

RUE ROSE

L'or repousse
Et les longues lunes molles sous la mer
Toutes ces roses sur tes reins dans la rue où je n'ose
Ta rue rose
Tous ces mots ces noms
Toutes ces poses
Qui me feront penser à toi
Même quand tu seras morte
Et même quand ta robe noire au sommet du réveil
Quand tes seins pensent à moi
Qui les ai oubliés
Qui les ai oubliés puisque j'en parle
Oui je veux que tu meures
Et tordre avant tes membres
Dans le bleu d'un seul ciel
Il n'y a pas assez d'épines à nos chairs
De ronces dans tes yeux
Est-ce que tu caresses encore mes cheveux
Sous la terre
Qu'est-ce que tu fais du vin maintenant
Est-ce que la terre a bu ton sexe
Morte
Toutes ces roses
Est-ce que tu as mordu ta fille
Est-ce que tu te branles
Morte
Je t'aime pire
Et toi
Tu commences à m'aimer
Tu caresses mes cheveux dans le sens de ta peur


(Pierre Peuchmaurd, Parfaits dommages et autres achèvements.  2007. Photographie de Pierre Peuchmaurd. source: http://isabelledalbe.blogspot.ca/2011/07/pierre-peuchmaurd-par-laurent.html)