mercredi 25 septembre 2013

Mauro Placi



Maintenir en bordure de soi
mais en deçà jamais dans le domaine public des vitrines
les frissons de dégoût provoqués par l'aspect
saccagé des vignes humaines
Maintenir en bordure de soi
la répulsion convulsive

Plus tard
quand la pluie tombe à verse et nettoie la face étiolée du monde
Se détacher des sols en jachère préconstruits et ne plus jamais regretter
le jour et ses naufrages



Mauro Placi

Passage à nouveau (boèmes), Éditions Surréalistes, 2008

lundi 23 septembre 2013

Joël Gayraud

 DU SUJET DANS LE RÊVE

Celui qui est en moi qui rêve, à quelle condition peut-il dire « je » ? À en juger par ma propre expérience, je répondrais que cet hôte singulier peut le dire à toutes les conditions qu'il choisira de se donner, à l'exception d'une seule, qui échappe à ses capacités, celle de pouvoir communiquer au reste du monde par la parole ce qu'il rêve au moment où il le rêve (j'écarte délibérément les propos prononcés à haute voix par le dormeur, et qui généralement ne font l'objet d'aucun souvenir au réveil). Que le je du rêve dise « je » pour me faire croire que j'ai un moi bien défini qui ne ferait chaque nuit que dérober un nouveau costume au vestiaire somptueux du désir, soit, je lui passerai volontiers cette concession à la grammaire. S'il prolonge ce « je » par quelque verbe exprimant l'usage habituel, voire rationnel, de la pensée, je ne trouverai également rien à y redire. Les capacités d'abstraction, on le sait, ne sont aucunement suspendues dans les rêves et, de ceux de Cardan et de Kekulé, la science est redevable pour le premier des nombres imaginaires et pour le second de la structure moléculaire du benzène. Du reste, dans la mesure où, suivant Freud, le rêve est un accomplissement de désir, tout indique que le désir de pensée y est l'un des seuls à pouvoir s'accomplir directement, plutôt que celui, par exemple, de boire un verre de bourgogne, qui devra en passer nécessairement par la représentation. Mais ce n'est pas le « je pense » qui m'occupe, c'est le « je rêve », accompagné du léger vertige que nous donne aussitôt cette simple énonciation. En effet, lorsque le je du rêve dit « je rêve », il produit un énoncé d'une espèce fort singulière : un énoncé proprement imprononçable. Nul ne peut le prononcer et le réaliser simultanément. Si je prononce « je rêve », c'est que « je », hic et nunc, ne rêve pas. Dans ce cas, le sujet « je » est bien éveillé et la forme verbale « rêve » n'a pas le sens plein que j'emploierai si, par exemple, voyant la femme qui dort auprès de moi battre des paupières ou murmurer dans son sommeil, je constate, ému : « Elle rêve ». Pour conjuguer le verbe rêver dans son sens propre à la première personne, je dois toujours l'assortir de conditions de temporalité qui l'excluent de l'actuel : je peux dire très légitimement « je rêvais », « j'ai rêvé », « je rêve de temps en temps » ou « je rêve très souvent », mais jamais « je rêve » tout court. 

Si j'examine de plus près le statut de cette phrase en lui appliquant la fameuse distinction d'Austin entre les énoncés performatifs et constatifs, je n'hésiterai guère à l'inclure dans la seconde catégorie : lorsque je dis « je rêve » dans mes songes, celui qui rêve en moi semble bien constater qu'il est en train de rêver, comme celui qui dit « je voyage » constate qu'il est en train de voyager. Cependant chacun admettra qu'à moins de voyager dans sa tête ou dans ses souvenirs, le voyage est une forme d'activité bien distincte de la conscience du voyage, alors qu'il en va tout autrement pour l'activité onirique : où et comment tracer une ligne de démarcation entre le fait de rêver et la conscience de rêver ? Dire alors « je rêve », c'est autant constater que l'on rêve que se rêver rêvant, c'est-à-dire rêver tout simplement ; et si l'on suit la stricte définition que donne Benveniste de l'énoncé performatif : « L'acte s'identifie avec l'énoncé de l'acte. Le signifié est identique au référent […] Un énoncé est performatif en ce qu'il dénomme l'acte performé », tout indique que l'énoncé « je rêve » appartient à cette dernière catégorie. Il prend donc, en plus de sa valeur de constat, celle d'énoncé auto-référentiel, ce qui suffit à le définir comme acte de parole. Toutefois, une objection majeure s'élève aussitôt : contrairement aux énoncés performatifs tels que « je promets » qui fonde la promesse ou « je jure » qui fonde le serment, ce n'est pas le « je rêve » qui fonde le rêve : nul rêveur n'a besoin de dire « je rêve » pour rêver et nul rêve ne se limite à cet unique énoncé. Voilà donc un énoncé performatif qui se montre outrageusement indifférent à sa propre performance ! 

Imprononçable, rétif à la catégorisation, l'énoncé « je rêve » se dérobe à l'analyse autant qu'à la parole, et cette dérobade ne fait que révéler la nature essentiellement fuyante du sujet qui semble s'y loger. Ici, le je n'a que peu à voir avec le sujet d'un énoncé prononçable à l'état de veille : il est évident que « je rêve » pourrait aussi bien se traduire par une phrase du type « il rêve je », où « il » serait un impersonnel comme dans « il tonne » et « je » une sorte d'indice de subjectivation affectant de façon variable l'ensemble du processus onirique. Novalis notait que « nous sommes près de nous éveiller lorsque nous rêvons que nous rêvons ». Même si cette affirmation trop catégorique est souvent contredite par l'expérience, elle a le mérite de souligner la labilité du sujet accédant à la conscience de rêver, et dont du reste l'éveil ne signe que la complète dissolution. (Entre parenthèses, ce soupçon jeté sur le sujet de nos rêves, nous serions bien avisés de l'étendre à tous les autres énoncés de l'état dit de veille. Nous pourrions le mettre un peu en sourdine, ce monosyllabe atone et discret qui n'en prétend pas moins tout régir, et, puisqu'on a évoqué les actes de parole, à les considérer moins comme les actes d'un sujet parlant que comme les actes d'une parole se manifestant par le truchement d'un sujet quelconque. Car lorsque je dis « je promets », « je pardonne » ou « je jure », je ne fonde ma promesse, mon pardon ou mon serment que pour autant que l'idée de promesse, de pardon ou de serment est déjà attendue, ou au moins conçue comme possible ou souhaitable, par celui à qui je m'adresse ; c'est en effet toujours la situation extra-linguistique des parties en présence qui impose à l'un des locuteurs de promettre, de pardonner ou de prêter serment. Contrairement à l'apparence qu'en livre une grammaire où le sujet est toujours implicitement affecté de l'illusion du libre arbitre, l'acte de parole n'a rien d'un acte libre.) 

Comme l'inconscient ne s'embarrasse pas du principe de contradiction, quel rêveur, pour le regretter ou s'en réjouir, ne s'est-il jamais entendu dire en plein songe : « Je ne rêve pas » ? Une telle phrase, en apparence, ne saurait prendre sens qu'à l'état de veille, lorsque la situation dans laquelle le sujet est subitement plongé lui paraît si peu réelle qu'il est contraint de s'assurer qu'il est bien éveillé. Mais en songe, elle est l'expression d'un curieux déni, exempt pourtant de toute mauvaise foi, qui a pour effet d'enraciner le sujet dans le rêve et, du même coup, puisque l'un est l'autre, le rêve dans le sujet. « Je ne rêve pas » signifie, cette fois, « je ne veux, ou ne peux, me réveiller ». Et de fait, au réveil, le rêve ainsi dénié a parfois été si fort que certains de ses éléments - personnes, lieux, situations - apparaissent comme des souvenirs réels qui ne laissent pas de nous troubler. Par suite, contrairement à l'énoncé positif, l'énoncé négatif apporte, avec l'effet de réalité dont il charge le vécu onirique, l'affirmation d'une intense certitude subjective. Lorsque le rêveur dit « je ne rêve pas », il a au plus haut point la certitude d'être lui-même. Son indice de subjectivation est au plus haut. C'est alors que, plus fermement que par le cogito de Descartes, il se sent assuré de son existence. C'est alors qu'il peut rêver vrai. C'est alors qu'il est prêt à mener la vie parallèle de Peter Ibbetson ou les métamorphoses du vagabond stellaire de Jack London. 

Joël Gayraud
(texte publié en 2005, dans le quatrième numéro de la revue S.U.RR.)

samedi 21 septembre 2013

Aline Gagnaire, La femme à Fontana




 

DANS L'ATELIER D'ALINE GAGNAIRE
Dans l'atelier du peintre il y a du spirituel dans l'art et de la langue sauce gribiche qui fume et exhale.

Dans l'atelier du peintre qui est aussi une volière, il y a des pictogrammes qui prennent leur essor et planent comme une tentation récurrente de l'écriture.

Au 189, rue Ordener. Paris 75018. Escalier C. Atelier 37... il y a, ainsi que le faisait la fille de Nadja, des poupées à qui il convient de soulever les yeux afin de savoir ce qui se trouve derrière. Toujours derrière.
...
Les choses ont un cœur. Et la main au devenir oculaire très tôt s'en verra informée. La main aux mille yeux en latence. Tâtonnante. À l'aveuglette. Et cependant en passe de déchirer l'obscur. La main aux poils de martre, la brosse. Comme autant de membres supplémentaires à l'assaut de l'essentiel. La main au rouge sang. L'indigo. Pour que s'ouvre le rideau et qu'en guise d'introduction se profile Le Surréalisme anthropomorphe, et somme toute encore assez classique, des premières heures. Celles du temps des Réverbères. Et dans lequel, lucidité visionnaire de la dialectique oblique, en dépit des apparences (triste mot en ce pays), se trouvent déjà contenus Les Transparents de la fin du voyage.

Ils flottent, solitaires ou en grappes incertaines, ici et là, parfois troués de vagues regards et bien sûr comme leur nom l'indique : dépourvus du moindre soupçon d'épaisseur. Ils déambulent dans le vide amorphe ou tourbillonnant, visage absent, corps en sursis, impitoyables témoins de l'abandon des forces. Et par conséquent du sentiment de la mort qui à grands pas approche.

Dans l'atelier du peintre qui est encore et surtout un grand trou d'air où en rafales et nuées jaillissent, tourbillonnent et se percutent des tonnes de probables, une fois passée l'apaisante et si mémorable marche des Égyptiennes, il y a le cri. Le cri du clou. Le cri des tissus. De la matière sans cesse recyclée à l'ombre douce et pourtant ô combien tumultueuse de la bibliothèque.
Dans la grande manufacture aux souffleries infatigables d'où l'orfèvre ne sera jamais exclu il y a, palingénésiques, les heures qui défilent. En amont des expositions qui se succèdent. Des expositions qui s'espacent. Et c'est parfois et de plus en plus souvent l'oubli. Un critique (en vogue) y passe, promettant en guise de digestif quelque article qui évidemment ne viendra jamais. Mais qu'importe quand on est peintre. Mais qu'importe quand on est femme. Quand, à juste proportion jouant du spirituel comme de l’animal, soucieux de sa métamorphose, on est parvenu à irrévocablement se situer, insaisissable, dans cet ordre aux ramifications impromptues, séculaires, innombrables. À l’instar bien sûr de celles de l’arbre.

Dans l’atelier, surgi d’où, initié par qui, quand et comment ? Une puissance de racines, de branches et de feuillage. Un mystère. Une architecture superbe, iconoclaste, inspirée. Un élan si impérieux que tout jeu d’entraves, si abouti soit-il, ne saurait parvenir à endiguer son envol. Une insolence au scandale sans rupture, apte à alterner esthétisme et déchirure, brouhaha de fanfare ( à l’heure fienteuse où glapit la Mère Ubu) et longues songeries solennelles (les grands blancs encore). Une menace facétieuse. Prompte à soulever le plafond. À repousser la verrière, les murs. Une force aimable, un péril à l’humour omniprésent. Une fidélité à toute épreuve. Une obstination à, contre vents et marées, jouer la carte du vivant. Du grand vivant. Votre ami et alter ego, Aline, vous qui dans Face écriviez :
Les hommes ont oublié la joie,
cachés derrière leurs croûtes d’épines, mâchoires ouvertes,
langues ourlets de bleus et de peurs, et
moi je me promène dans le blanc de leurs yeux fixes, dans les pores de leur peau
absente d’amour, parcourant du doigt les arêtes montagneuses de leurs sourcils
soucis je me cale contre l’arête du promontoire de leur nez,
soucieuse de préserver cette seconde où je volerai leur visage
avant que leurs lèvres, pierres de sable mouvant, ne se figent en un cri blanc.
Afin plus que jamais aujourd’hui de nous dire ce qui se trouve derrière. Toujours derrière…

Jehan van Langhenhoven,  Talus n° 18 - novembre 2004.



jeudi 19 septembre 2013

Jorge Camacho, La préhistoire de l'homme






Photographie d'une sculpture cubique de Jorge Camacho, illustrant La danse du chamane sur le glacier : aux sources d'un art à la hauteur de la terre et à la mesure du monde, de Kenneth White.

dimanche 15 septembre 2013

Anny Bonnin

DE DEUX CHOSES UNE?

Nous disions « de deux choses une », je dirai : de deux choses mille ; de mille une parmi, celle que j'ai choisie, et dont je peux parler.
Une qui permet tout en étant « au travail » de faire place au sensible et à l'imaginaire.
Tout ce travail mené à petits pas, d'instant en instant, par petites touches, à hauteur d'enfant, en décomposant gestes et mots.
Corps en mouvement, mots mimés, voisés, étirés, repris, reliés aux objets choisis, à l'image, au dessin, à l'écrit. Sons modulés, chant et musique, percussions, mélopées, jeux de voix. Parler feutré ou crié, ou dire ou se taire. Entrer en résonance de sensible à sensible pour, ensemble et très souvent, avec les ou l'un des deux parents présents, permettre à l'enfant de découvrir son langage propre, son expression, ses mots, sa voix.
Il y a un émerveillement partagé à entendre la voix venir, les mots surgir comme d'une source claire ; victoire ressentie par l'enfant, surpris de ses propres émissions ; jubilation.
Je relate une histoire permettant peut-être de repérer un de ces moments forts.
Antoine est assis à une petite table face à moi. Nous terminons un jeu d'encastrement, ma stagiaire est présente, je lui propose, en demandant implicitement du regard à Antoine, si elle serait d'accord pour lui faire passer quelques petits items de bilan orthophonique.
- Y t'aime ? demande-t-il avec un beau sourire.
Il semble certain de l'intérêt que nous lui portons et utilise des mots tout neufs. Nous rions, lui aussi.
Cette voie choisie rend également attentif à ces instants où, en situation de jeu partagé, quelque chose bascule avec perte de repères, un événement surgit, générateur d'avancées.
Pour illustrer ce propos, une autre histoire avec Noël, jeune enfant trisomique de trois ans, très loin de la relation, qui présente des manifestations autistiques importantes avec une histoire particulièrement lourde.
Les séances sont rondes mais étranges, travaillant surtout la contenance, l'être avec, l'échange tenu.
Je le suis dans ses déplacements.
Il n'accepte que rarement ce que je lui propose.
La séance touche à sa fin, je m'apprête à le quitter, mais ce n'est pas possible, sa mère ne revient que dans trois quarts d'heure et la séance suivante avec un autre intervenant ne peut avoir lieu ! Je dois poursuivre !
Je ressens alors un énorme poids.
Que faire ? Les bras m'en tombent.
Je lui propose de s'asseoir, ce qu'il accepte, à mon grand étonnement !
Je prends un morceau de scotch, fixe une feuille sur la table, pensant lui proposer de faire un dessin.
Il déchire la feuille,
je recolle,
il redéchire,
je recolle.
C'est un jeu, ça devient un jeu. Colle ! décolle ! Colle, décolle. Je déchire ; d'un souffle, un petit bout de papier s'échappe, je le vois qui me sourit et à l'aide d'un signe mime l'avion.
Il décolle, je décolle, nous décollons ! Cet enfant qui me pesait, devient léger, nous sommes complices d'un jeu. J'aurais pu continuer des heures.
Par la suite, quand il faisait mine de partir pendant les séances, au lieu de bloquer la porte, il suffisait d'un mot, geste ou regard pour qu'il reste vraiment là.
Chaque enfant arrive au Centre avec un paquet de difficultés, des parents en attente, envahis de questions, inquiets.
Les séances sont aussi des temps de pause où la souffrance peut se dire, mais où se crée un monde suffisamment approprié, médiatisé, poétisé, pour que de nouvelles forces se prennent, que des mots prennent corps, que la pensée s'exprime, que la voix vibre.
C'est comme une minuscule petite étincelle à transporter au-dehors, quand nous avons la chance de pouvoir la laisser advenir.
Les enfants, par leur légèreté, nous permettent d'y accéder.
Comme le dit André Breton :
« Chaque matin, des enfants partent sans inquiétude. Tout est près, les pires conditions matérielles sont excellentes. Les bois sont blancs ou noirs, on ne dormira jamais. »
C'est de cet état, privilège de l'enfance que ponts et passerelles nous sont tendus, pour que des uns aux autres la transmission opère, par delà nos savoirs, et…s'étende.

Anny Bonnin


(Extrait d'un texte lu lors d'une journée d'étude sur le thème « Entre pédiatrie et psychanalyse »,sous le titre De deux choses une. Ce texte a été publié dans le quatrième numéro de la revue S.U.RR.

source: http://surrealisme.ouvaton.org/article.php3?id_article=162)

dimanche 8 septembre 2013

Ludwig Zeller

SCIER LA BIEN-AIMÉE QUAND C'EST NÉCESSAIRE

Sous le fil du couteau elle sent
Que les lunes tournoient en grinçant dans le miroir
Elle croit rêver et écoute comment grandit en son corps, pas
À pas, cette spirale sans fin de la torture.

Ils la regardent avec amour et attendent, debout sous la pluie
Qui assourdit, que la main crispée là-bas au fond
Lève avec une gaffe ces pointes du sommeil
Et de la pourriture du ver
Puisse s'envoler le papillon exact.

Mais n'importe maintenant et sous le rayon ardent
Tournant et tournant, tourbillons d'un même centre,
Parfois j'écoute quelqu'un qui appelle à grands cris, je me réveille
Et je revois la même image - le tortionnaire
Ainsi que les plaies - car je ne sais si c'est de l'eau
Qui tombe d'en haut, si je pourrais une fois atteindre
Ce globe que le vent entraîne, si nous pourrons passer
Ou si la nuit doit soudainement clore ses larmes.

Alors je me ressaisis et sans yeux je peux voir le couteau
Que quelqu'un a enserré dans ma main,
Graines d'un autre soleil, ces roues virevoltent dans la mémoire
Découpant ma bien-aimée en hosties pour moi.

Ludwig Zeller

(Extrait de Femme en songe suivi de Quand l'animal des profondeurs surgit la tête éclate. 2012, édition Sonambula, traduction de Jean Antonin Billard.)

mercredi 4 septembre 2013

Fernando Palenzuela

SPHÈRE INACHEVÉE 3


Si de nouveau je repartais à zéro
Jusqu'à atteindre le point où la flamme
Se fait un arc de langues solitaires et inachevées
J'embrasserais cet inimitable feu lointain
Qui dès le départ marquerait ma peau
L'unique seul
Survivant aux récifs des enchantements
Au tour du compas qui n'arrive pas à fermer
La totalité qui me ramène au zéro de mon image.

Expulsé
D'une orbite plus transparente que la fin entrevue
Le chiffre innateignable reste sans s'arrondir déjà
Le cygne et la harpe de ma peau
Traînent le hasard sans visage
La magie qui travaille dans l'invisible
En entrelaçant tout le réel
Le début coincide avec la fin
Et commence à nouveau...
Sphère inachevée.


Fernando Palenzuela

(dans Sphère inachevée, éditions Sonambula, 2010. Traduction de Bernard Sanshagrin.)