LE ROSTRE
marcher & remarcher souffrir & fouailler
quelque espace de terre jaune argile la craie agile & le couteau
piochant triturant l'adret la caillasse couteau fouillant la pierraille
dire ainsi que j'ai toujours pu croire à ce que les rostres pouvaient
jaillir des esprits végétaux de ces émanations du petit peuple oublié
des farfadets voici quelques sculptures maritimes qui auraient pu
embraser ajoncs & joncs genêts & verveines comme chair de joie
ou bien ai-je pensé que ces beaux prolongements d'ombre pouvaient être
les bijoux abandonnés comme contrepoids du gargantua ah le voir assis au
roc du saint malin jusqu'aux pieds de la fontaine miracle
c'est donc arpentant le silencieux sillon de l'onde merveille – car elle
guérit le krupp – respirant au moulin tol le cri du zéphyr & des
aspérités intérieures puis qu'à supposer exhumer une poignée de balles
douilles de quatorze – la guerre – j'ai pu dans un accroc diabolique de
la terre nue trouver à la dignité d'une artère une irruption sévère du
premier âge ardent de l'ère des animaux – dire une vieille cabane perdue
dans un bois aux souvenirs celui d'un vieil instituteur qui enseignait à
plénitude la folie des bélemnites comme religion les palmes le tuba la
ceinture de plomb & le fusil harpon qui ne pouvait servir qu'à
l'apnée cruelle – souvenirs donc de cette école primitive où nous
pouvions sans nulle peur explorer de longues heures durant le cuir rouge
& magique de
l'encyclopédie
rien
n'est jamais comme je le crois ni dans la réalité ni dans l'imaginaire
& sans doute doit-on se connaître soi-même sans espérer & sans
doute doit-on se naître vraiment soi sans chercher à s'asseoir aux
banquets des riches & sans penser à faire briller les coupes ni à
voir s'agiter la gaieté des gens du monde oh le rostre est un objet
facile simple & rugueux fragile sans doute il se cache de l'air
subtil des bouffons & de l'air amical si faux des cravates
aimer alors le feu rauque qui crépite à nos poignées de griottes &
d'alcool un petit grimoire au devant des yeux pour la nuit quant à
l'emportement des lauriers roses
enfin dans la lueur de l'aube la raison définitive d'un beau caillou
au sourire de la huppe
Paul Sanda, 2012
Début de la performance de Paul Sanda, pour le lancement du Festival international de Poésie actuelle (Juillet 2012, Cordes Sur Ciel)
un choix de documents récents du mouvement surréaliste et de ses alentours (1990-2015), par David Nadeau
Affichage des articles dont le libellé est Paul Sanda. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Paul Sanda. Afficher tous les articles
vendredi 27 février 2015
jeudi 23 octobre 2014
Paul Sanda
SUITE INITIATIQUE
Comme au ciel, je suis à Cordes. Je m’incline sur la Bride : j’embrasse le vide. Voici : à l’expiration de la contemplation la Cité, dénudée par mon œil, se tourne d’elle-même vers son écriture essentielle.
J’écris à son ventre ; c’est depuis son ventre éternel. Je veille à ses créneaux, comme une sentinelle ici scrutait toujours le nord : les oiseaux à s’envoler. La belle étoile me dira l’armée adverse, dans les sucs de bois frais, dans la cabale des arbres. Au jour, j’aborderai l’huile et la poix, ce que l’on jette sur l’ignorance. La Cité parle avec ses Anges, à la bouche de son puits déchiré.
Voilà que les nuits s’en viennent, que les nuits appellent les rites. Des nuits différentes, voulues dans l’intervalle. Avec force – avec magnificence – on y remonte la profondeur, les clavicules, les singularités templières, et les oracles à l’odeur de rose.
Mes nuits sont des jours, des jugulaires, qui imposent le rythme du sang. Mon sang ne souffle pas, comme il est irrigué d’élixir : je peux parler, respirer, voir l’avenir il est vrai, savoir l’heure de mon retour et de ma réintégration. Mais quelle importance ? Sûr que l’on pourrait mourir sans avoir éprouvé la juste parole.
L’éveil se suspend déjà dans les ruelles, aux tours, aux portes, au dédale... Et voici que je déambule entre les signes de la pierre, le janus subtil, la fleur aux cinq pétales, la tête de maure et la tête rouge, l’inclinaison de la salamandre. Comme accroché à l’échauffement, au murmure de la cuisson, au sifflement du chaudron, de l’alambic, de la retorte, le dernier évangile circule jusqu’à mes murs, à ma distillation. Contre ma pensée soudaine, les lilas d’Espagne s’arrêtent au nom d’Isis.
Un jour, je saurai la vision de Jonas : comme cette eau me rendra l’or potable… Je verrai, à la nuit, la construction des Maîtres, comme j’en dépose le secret ; comme j’en garde mon pied sur le seuil…
Comme au ciel, je suis à Cordes. J’inspire, j’aspire, sans briser le fil d’or qui lie mes lèvres au cœur de mon silence. C’est un autel qui se construit dans l’eau de mes mains, dans la peau de mon ventre, dans le creux de mon soleil tant obscur. Si je deviens immense, c’est à la nasse du souffle, au petit filet de bras de la prière la plus étincelante.
Merci pour la moisson ô mon Maître, mon Atalante est bien venue sur mon rivage, pour s’y réfugier. Je ne sais si la lune a pu bouillir au creux de tes fagots, mais je sais maintenant quel est le dragon qui s’envole à nos lames de désespoir.
Je sais maintenant que les nuits qui reviennent sont les nuits des rites disparus. Des nuits indifférentes, dissociées dans l’intervalle... Avec force – avec splendeur – on y admet le vertige immodéré pour la hauteur, les pélicans, les syllabes des Archanges, l’incroyable Ascension et les oracles à l’odeur de rose.
Je marcherai la nuit dans les artères : où les armées ont passé. Je voudrai les joyaux, les reliques, les lapidaires ; je dirai les luminaires soudain si vivants. Je parlerai par les citadelles percées au creux des tombeaux, je parlerai de la couronne, de la sourate et du premier pays noir. Le vent portera jusqu’à mon front la flamme de la véritable nuée.
Comme au ciel, je suis à Cordes. Dans la circulation du grand vide : je sais la montée de Sirius, la conjonction. Un chant syriaque va bercer ma blessure : je serai immobile, au temps brutal, dans la nuée des sauterelles. Dans l’aspiration de la spirale. Et quelque traînée de feu nourrira encore mon ardeur.
Qui poursuivra la route touchera à la métamorphose, à la cruauté, à la turpitude, à la béatitude, à la vindicte, à la déchirure, à la tendresse, à la joie, à la crispation et à son reflet, à la perfection sans doute. Il saura dans les méandres de l’oye que les chemins de la nuit se dérobent pour mieux se libérer. Que les chemins se croisent comme ils se sont livrés. Alors à mes nouveaux mots futurs les chemins de la nuit se sont refermés comme des livres.
Paul Sanda,
en hommage à Maurice Blanchard.
Six poèmes inédits écrits à Cordes,
sous les feux de la grande coction
du vendredi saint, 2012.
Comme au ciel, je suis à Cordes. Je m’incline sur la Bride : j’embrasse le vide. Voici : à l’expiration de la contemplation la Cité, dénudée par mon œil, se tourne d’elle-même vers son écriture essentielle.
J’écris à son ventre ; c’est depuis son ventre éternel. Je veille à ses créneaux, comme une sentinelle ici scrutait toujours le nord : les oiseaux à s’envoler. La belle étoile me dira l’armée adverse, dans les sucs de bois frais, dans la cabale des arbres. Au jour, j’aborderai l’huile et la poix, ce que l’on jette sur l’ignorance. La Cité parle avec ses Anges, à la bouche de son puits déchiré.
Voilà que les nuits s’en viennent, que les nuits appellent les rites. Des nuits différentes, voulues dans l’intervalle. Avec force – avec magnificence – on y remonte la profondeur, les clavicules, les singularités templières, et les oracles à l’odeur de rose.
Mes nuits sont des jours, des jugulaires, qui imposent le rythme du sang. Mon sang ne souffle pas, comme il est irrigué d’élixir : je peux parler, respirer, voir l’avenir il est vrai, savoir l’heure de mon retour et de ma réintégration. Mais quelle importance ? Sûr que l’on pourrait mourir sans avoir éprouvé la juste parole.
L’éveil se suspend déjà dans les ruelles, aux tours, aux portes, au dédale... Et voici que je déambule entre les signes de la pierre, le janus subtil, la fleur aux cinq pétales, la tête de maure et la tête rouge, l’inclinaison de la salamandre. Comme accroché à l’échauffement, au murmure de la cuisson, au sifflement du chaudron, de l’alambic, de la retorte, le dernier évangile circule jusqu’à mes murs, à ma distillation. Contre ma pensée soudaine, les lilas d’Espagne s’arrêtent au nom d’Isis.
Un jour, je saurai la vision de Jonas : comme cette eau me rendra l’or potable… Je verrai, à la nuit, la construction des Maîtres, comme j’en dépose le secret ; comme j’en garde mon pied sur le seuil…
Comme au ciel, je suis à Cordes. J’inspire, j’aspire, sans briser le fil d’or qui lie mes lèvres au cœur de mon silence. C’est un autel qui se construit dans l’eau de mes mains, dans la peau de mon ventre, dans le creux de mon soleil tant obscur. Si je deviens immense, c’est à la nasse du souffle, au petit filet de bras de la prière la plus étincelante.
Merci pour la moisson ô mon Maître, mon Atalante est bien venue sur mon rivage, pour s’y réfugier. Je ne sais si la lune a pu bouillir au creux de tes fagots, mais je sais maintenant quel est le dragon qui s’envole à nos lames de désespoir.
Je sais maintenant que les nuits qui reviennent sont les nuits des rites disparus. Des nuits indifférentes, dissociées dans l’intervalle... Avec force – avec splendeur – on y admet le vertige immodéré pour la hauteur, les pélicans, les syllabes des Archanges, l’incroyable Ascension et les oracles à l’odeur de rose.
Je marcherai la nuit dans les artères : où les armées ont passé. Je voudrai les joyaux, les reliques, les lapidaires ; je dirai les luminaires soudain si vivants. Je parlerai par les citadelles percées au creux des tombeaux, je parlerai de la couronne, de la sourate et du premier pays noir. Le vent portera jusqu’à mon front la flamme de la véritable nuée.
Comme au ciel, je suis à Cordes. Dans la circulation du grand vide : je sais la montée de Sirius, la conjonction. Un chant syriaque va bercer ma blessure : je serai immobile, au temps brutal, dans la nuée des sauterelles. Dans l’aspiration de la spirale. Et quelque traînée de feu nourrira encore mon ardeur.
Qui poursuivra la route touchera à la métamorphose, à la cruauté, à la turpitude, à la béatitude, à la vindicte, à la déchirure, à la tendresse, à la joie, à la crispation et à son reflet, à la perfection sans doute. Il saura dans les méandres de l’oye que les chemins de la nuit se dérobent pour mieux se libérer. Que les chemins se croisent comme ils se sont livrés. Alors à mes nouveaux mots futurs les chemins de la nuit se sont refermés comme des livres.
Paul Sanda,
en hommage à Maurice Blanchard.
Six poèmes inédits écrits à Cordes,
sous les feux de la grande coction
du vendredi saint, 2012.
samedi 23 août 2014
mardi 27 mai 2014
Paul Sanda
ORATORIO
Cassure des angles en ongle de
perverse
herse j'écrase un levant de salive
les cris à goût d'écaille un bois ancrit
d'écueils
le poing se perd d'éclis d'éclats
d'hélices d'écume
j'épave à la nuit des vestibules
je blesse à ton sommeil le
crépuscule
des étoiles dans le rein les
abîme
nous sommes des
assassins
accroché à la pluie des apparences
la plaie la morsure au matin des
fulgurances
le grand jeu s'insinue
crucifier à la fente
à la fuite la cruauté des artifices
des granits s'éclaboussent
ô se feindre d'immondices
repeuplons le tranchant nos lèvres
tailladées de corps et de verre
empilons les envers des livres à cru
et ça court s'effondrer dans les flaques
puis crever aux crachats
de tout ce que nous avons cru
brisure des angles en ongle des
mandibules
baveux aux crocs de la miséricorde
aux chairs aux piloris des
transfigurations
le ventre se parfume à l'affût
des cordes des cornes des becs
me voici carnassier
marquis tordu
au bord du crucifix l'immonde
insulte les cicatrices
la terre au brasier du
néant
emportés à l'écart des multitudes
l'ordre la meurtrissure nous passe
outrepasse
le bal des diaboliques
le ballet des cornus
jusqu'à l'oblique effondrement des acropoles
défaiseurs labyrinthes
dépeceurs de miracles
défilons le rasoir nos plèvres
balafrées de peaux et de fer
déchirons les savoirs des livres à nu
et ça vomit dégueuler dans les flaques
puis crever aux crachats
de tout ce que nous avons su
souillure des angles en ongle des
bilboquets
hoquets aux chocs de l'écartement
des cuisses des écartèlements
et la prison les chaînes
l'horreur se parfume de sévices
des lames des drames des arceaux
me voici cannibale
baron pendu à l'arbre du
pouvoir sa potence
injurie la mémoire
nous sommes vivants mais
nous sommes
morts
Paul Sanda
mercredi 18 décembre 2013
vendredi 19 juillet 2013
Paul Sanda
elle
la surface femme de la peau conçoit sa vraie toison à l'ultime des eaux
de ce je t'aime ventre elle déroule la reptation des flaques
ou l'hibernation du désir jusqu'à rendre la beauté vermeil
non je n'ai plus d'envie mordre contre l'enracinement de ce nouvel espace où j'ai bien du mal à vouloir un seul mot
à la surface femme de la peau de la
terre
de ce je t'aime ventre à la face des trajectoires qui ne viennent pas
elle
mélangée à l'odeur des mélanges
mêlant l'enfance dont je ronge la chair perdue pourtant si nourricière
puis ponctuée rasée admise rosée au désordre apparent des tranchées rouges transparentes des artères elle
se greffe à cette dérive le long du spasme des jours sanglants qui font que
je ne sais plus comme je marche
comme je suis contre la grève d'être dans le transport au bout de ma seule langue
comme je blesse les vulves du cœur (quand le marais exulte) à la recherche des valves des cadavres des alvéoles d'une éclaircie ce cadavre que je veux si fort
je pense voici ce je t'aime ventre qui use le ventre autant qu'il apparaît dans la treille de l'obstacle
voici ce je t'aime ventre qui crie sur les inclinaisons des baraques dévolues à l'estran
sur les lèvres déviées des barques fourbies dans le fendillement de la lune
voici ce je t'aime ventre à pleurer dans le froid surpris des arènes et voici le ventre
je ne peux dire qu'il est surpris comme il apparaît tout à coup flottant en dévers des imprécations de mon sexe
contre le duvet de la rive d'homme
elle
la surface femme de la peau s'écarte pour manger la lumière
encore j'ai pensé que les êtres s'habillaient aussi de flammes en équilibre
j'ai pensé que les cachettes évidées en frise brumeuse des deux mains et pourtant d'une clarté presque limpide n'existaient que dans les histoires de nains et de géants
j'ai marché jusqu'au devant des arrachements de chairs de paupières de tout ce que la femme la fille et le corps dégagent vraiment en avant de la mort que des cratères d'argile
que des cartilages d'angle
elle
pourrissante en bout de corde comme un ongle une épingle dans la rainure glissante du bois
j'ai accroché ce je t'aime ventre dans la nacre des déchirures maternelles des plis usurpés des empreintes végétales de l'odeur de putréfaction
décroché excorié la demi-dévoration de son arc pulsé
de sperme
de la demi-dévoration de son enfer infini dans les méandres de l'athanor
du sperme quand il tangue à la commissure des replis des femmes des filles et des corps en plein travail de décomposition de fureur jusqu'à l'écarquillement
j'ai voulu l'extase de la demi-ingestion pour la première femme-poisson qui vivait là repue du foisonnement des écailles
j'ai voulu de cette mélusine couvertes d'algues gantées femme-poison aux creux des nages de proue de l'incandescence
de l'écume
ce je t'aime ventre au sexe du fil de sang du fil de glaire du fils et des filles cancer
du fil de liquide de la meurtrissure
j'ai parlé de la demi-ingestion d'une coquille humide les lents engourdissements de toutes les femelles colorées dans les globes de la boue
elle
la surface femme de la peau à la cuisse comme une table de veille
la voilà fragile
métisse hurlante hurlée ourlée
roulée dénudée d'épaules à son corps brillant comme l'espace compact de l'écartement des os de la femme primitive qui a tout lié
noire aussi est elle plus formidable dans la mort
noire aussi est elle plus formidable dans la mort choisie
j'ai voulu jusqu'au coffre secret ce je t'aime ventre du sein qui s'anime
j'ai voulu me gorger de l'aréole vraie portée vers l'infini
de tout ce qui fait saillir les images à la rondeur d'une circonstance foetale de ce sein pendu suspendu flasque jusqu'au firmament de l'argile
elle
la surface femme de la peau ouvre des brasiers au visage du néant
j'ai voulu ce je t'aime ventre à la trace déjectoire c'est à dire au visage du néant encore
parce que je range la veine tordue des hystéries de la sorcière
ponctuée rasée admise rosée définitivement morcelée
rouge comme je marche contre sa grève dans le transport au bout de chaque lagune quand le marais exhume son cadavre de bulles de bourdonnements ce cadavre que je veux si fort
elle
la surface femme de la peau conçoit sa splendeur au bord des îles des voltiges
de ce je t'aime ventre elle décide l'envol des sanglots et des passions
ou la nudité du désir décidée à se consteller de l'intérieur
non je n'ai plus d'envie de mourir contre la courbe de toutes les splendeurs à la surface femme de la peau de la fermeture de la paroi
mère
de ce je t'aime ventre à la face des trajectoires
qui ne viennent pas
Paul Sanda
Inscription à :
Articles (Atom)